Cependant, un différend l’oppose aux éditions Dupuis, ce qui provoque son départ pour les éditions du Lombard, éditeurs historiques du journal Tintin. Il y crée Modeste et Pompon, une série de gags en une planche. Plus tard, réconcilié avec Dupuis, Franquin réalise des publications pour les deux maisons à la fois avant d’être définitivement libéré de son contrat au Lombard.
En 1957, André Franquin s’installe dans un petit appartement à Bruxelles qu’il utilise comme atelier où il accueille de nouveaux talents comme Jean De Mesmaeker, dit Jidéhem, et Jean Roba, le père de Boule et Bill. Le groupe travaille ainsi sur la série Spirou et Fantasio de 1958 à 1960 publiée dans le journal Spirou et dans le Parisien libéré, qui leur ouvre le lectorat français. Cette même année, André Franquin crée le personnage de Gaston Lagaffe, anti-héros et gaffeur devant l’éternel, qui rejoint le Journal de Spirou. Pour croquer Gaston, Franquin s’est inspiré de Barney Google and Snuffy Smith, un comics américain, ainsi que d’une bande dessinée mexicaine. Le premier album paraît en 1960, Gaston permettant à Franquin de s’exprimer plus librement qu’avec Spirou, bien plus conformiste. Mais la dépression atteint le dessinateur en 1961 avec l’impression de tourner en rond et le sentiment que les aventures de Spirou et Fantasio ne lui appartiennent plus vraiment. Par ailleurs atteint d’une hépatite virale, Franquin ne peut travailler pendant plus d’un an, ce qui retarde les parutions en cours. L’auteur ne peut reprendre le fil de son travail qu’en 1963 et après une dernière histoire de Spirou et Fantasio, Franquin décide de se consacrer pleinement à Gaston Lagaffe à partir de 1968.
Dans les années 1970, l’univers de Gaston s’enrichit de nouveaux personnages et prend la forme que nous lui connaissons aujourd’hui. En parallèle, Franquin signera des scénarios pour Isabelle et Les Démêlés d’Arnest Ringard et d’Augraphie. En 1977, Franquin conçoit un supplément pour le journal de Spirou, Le Trombone illustré, dans lequel il publie la série Idées Noires, une expérience qui s’arrête au bout de trente numéros, avant d’être reprise plus tard dans Fluide glacial. Franquin y livre sa vision de l’humanité et dévoile une nature angoissée. Œuvrant sans relâche sur Gaston, Franquin aborde à travers lui les thèmes qui lui sont chers : l’écologie, l’antimilitarisme et l’injustice en général.
Mais une nouvelle période de dépression frappe l’auteur en 1982 et interrompt son travail pendant deux ans. C’est au festival de la bande dessinée d’Angoulême que Franquin retrouve l’énergie et la volonté de reprendre le fil de son travail, ressentant la joie qu’il procure à ses lecteurs venus le rencontrer à cette occasion. En 1987, le Marsupilami fait son retour avec un premier album d’une série entièrement dédiée au personnage et éditée par Marsu Productions.
En 1990, André Franquin renoue en partie avec l’animation, créant Les Tifous, un univers enfantin sur lequel il travaille durant trois ans. Il réalise également deux albums avec Yvan Delporte, Xavier Fauche et Jean Léturgie. Adaptée en dessin animé, la série ne rencontre pas le succès escompté et est arrêtée après 78 épisodes. Durant cette parenthèse, Gaston Lagaffe est laissé de côté avant de faire une toute dernière apparition en 1996.
Décoré de l’Ordre de Léopold en 1991, la plus haute distinction en Belgique, André Franquin s’éteint le 5 janvier 1997 en France à Saint-Laurent-du-Var, des suites d’un infarctus. Il est considéré aujourd’hui encore comme une référence mondiale de la bande dessinée.