Hugo Pratt naît à Rimini et grandit à Venise jusqu’à ses dix ans. Petit, il passe beaucoup de temps avec sa grand-mère qui le pousse à dessiner les images qu’ils voient au cinéma, où elle l’emmène souvent. Pendant son adolescence, sa famille s’installe en Éthiopie pour suivre son père, militaire, appelé à exercer son métier en Abyssinie qui est alors une colonie italienne. Ce ne sont pas des années faciles pour être adolescent : à l’âge de 13 ans, poussé par son père, Hugo Pratt s’enrôle dans l’armée fasciste italienne afin de combattre les indépendantistes aidés par les Alliés. 

En 1942, il est fait prisonnier au camp de Diré Daoua, avant d’être rapatrié dans son pays natal aux côtés de sa mère, pour rejoindre Venise. Deux ans plus tard, il est arrêté par les S.S. pour suspicion d’espionnage. Il s’en sort en négociant sa liberté et est engagé de force dans la police maritime allemande, avant de s’échapper et de devenir interprète dans le camp Allié. Quelle place pour l’art dans ce début de vie tourmenté ? En 1945, au moment où l’Italie commence à être libérée, il organise des spectacles de théâtre pour remercier les soldats américains. C’est peu de temps après qu’il commence à dessiner, et à publier ses premières bandes dessinées dans le journal Asso di Picche qu’il crée avec ses amis. Ses publications rencontrent un certain succès, et, très vite, Hugo Pratt est appelé par une maison d’édition argentine pour travailler avec eux. Le jeune illustrateur fait ses valises et part s’installer à Buenos Aires pour… 12 ans ! Sur place, il mène une vie artistique et vagabonde, rencontre des personnes de tout horizon, parcourt les paysages de Patagonie à dos de cheval, et participe même à des représentations musicales en tant que chanteur et guitariste.

En parallèle, son travail l’occupe beaucoup : Sgt. Kirk, l’histoire d’un renégat qui s’intègre à la communauté indienne, ou encore Ernie Pike, les péripéties d’un reporter de guerre, sont deux exemples de sa production en tant qu’illustrateur. Il écrit son propre scénario pour la série Ann de la jungle en 1959. Passionné par les indiens, il écrit Wheeling, qui décortique sa fascination pour cette Amérique du Nouveau Monde. Dans la bande dessinée, il se met lui-même en scène sous les traits du renégat Simon Girty. En 1962, Hugo Pratt retourne s’installer en Italie. Dans la revue Sgt. Kirk, il publie une œuvre qui marquera sa production, La Ballade de la mer salée. 

En 1970, vivant et travaillant en France depuis peu, l’illustrateur reprend un des personnages de cette dernière bande dessinée pour en faire le principal protagoniste d’une série : c’est le tout premier tome de Corto Maltese qui voit alors le jour, également intitulé La Ballade de la mer salée. Quelques années plus tard, la série sera considérée comme la première œuvre de Littérature dessinée. Très vite en effet, la plume – écrite et dessinée – de Pratt séduit les lecteurs, et Corto Maltese entre dans la culture officielle. Hugo Pratt continue à voyager, et découvre le Canada, l’île de Pâques, le reste de l’Afrique… A côté de Corto, d’autres personnages continuent de peupler son œuvre, comme Mü, considéré comme sa dernière bande dessinée, et où plusieurs profils déjà croisés auparavant dans ses albums ressurgissent pour partir à la recherche d’un continent perdu. Hugo Pratt meurt en 1984 en Suisse, laissant derrière lui une œuvre majeure qui contribue encore aujourd’hui à faire de la bande dessinée un art à part entière.