Jean Lurçat est à l’origine du renouveau de la tapisserie française au XXe siècle, incarnée par le foyer de production d’Aubusson dans la Creuse
Son œuvre se caractérise par l’intégration de multiples techniques - tapisserie mais aussi peinture, céramique, écriture - ainsi que par le témoignage vibrant et poétique des événements vécus par l’artiste engagé dans les deux guerres mondiales
Né en 1892, Jean Lurçat grandit dans les Vosges, à Bruyère, aux côtés de son frère, André qui deviendra un architecte renommé. Après des études de médecine avortée, Jean décide de se former à la peinture, à la gravure et à la création de fresques au sein de l’atelier de Victor Prouvé, directeur de l’école de Nancy. Peu de temps après, Jean Lurçat part s’installer à Paris.
En cette l’année 1912, la capitale est un haut-lieu culturel où se retrouvent poètes, créateurs et écrivains dans une grande émulation artistique. A Paris, le jeune peintre s’imprègne des tendances contemporaines, telles que le cubisme à travers. Tout en développant une activité de fresquiste, Lurçat fonde avec des amis la revue Les Feuilles de mai avant de voir ses projets tomber à l’eau lorsque la Première Guerre mondiale éclate.
Mobilisé, Jean Lurçat est blessé au combat. Il profite de sa convalescence pour perfectionner sa maîtrise de l’aquarelle. C’est sa mère qui a l’idée de transposer ses peintures sur des canevas, sans savoir que grâce à cette initiative, elle contribuera à donner naissance à l’immense production de tapisseries de son fils. Quelques années plus tard, Jean Lurçat confiera cette tâche de reproduction de son œuvre en broderie à son épouse Marthe Hennebert. Mais à cette époque, la tapisserie n’est pas encore au cœur de ses préoccupations.
Dans les années 1920, Lurçat se construit une bonne réputation de peintre, au point de connaître un important succès aux Etats-Unis ! Mais à partir de 1933, l’artiste prend un tournant décisif. A Aubusson, la collectionneuse Marie Cuttoli fait tisser en basse lisse des tapisseries d’après des tableaux de Jean Lurçat, donnant non seulement un nouveau souffle à la carrière du peintre mais enocre à la production de tapisserie tout court ! Parallèlement,
l’Atelier de Gobelins lance le tissage des Illusions d’Icare de Lurçat destinées à être offertes à la reine des Pays-Bas.
En 1938, Jean Lurçat découvre à Angers la célèbre tapisserie médiévale de l’Apocalypse. C’est un véritable choc ! Aussitôt, l’artiste retourne à ses recherches esthétiques avec pour ambition de créer une version moderne de l’œuvre. Entre 1959 et 1966, un important cycle titré le Chant du Monde verra le jour, aujourd’hui conservé au musée de la Tapisserie contemporaine. De l’Apocalypse, Jean Lurçat retient non seulement l’ampleur des symboles, mais également l’intérêt des points de tissage et du carton chiffré qu’il réutilise. Cette technique est assez révolutionnaire puisqu’elle permet de réduire sensiblment le temps de travail. C’est donc en ce sens qu’il faut comprendre l’importance de Jean Lurçat puisqu’il donne non seulement un nouvel élan à la tapisserie d’un point de vue esthétique, mais également d’un point de vue commerciale, avec la résurgence de techniques plus adaptées au commerce du XXe siècle.
Jean Lurçat répond à de nombreuses commandes des manufactures nationales de Beauvais et des Gobelins, installées à Aubusson, en coopération avec Pierre Dubreuil et Marcel Gromaire. Au début des années 1940, il prend pour élève Dom Robert ou Picart le Doux qui marqueront eux aussi l’histoire de la tapisserie contemporaine.
Résistant pendant la Seconde Guerre mondiale, durant laquelle il tisse des tentures illustrant le poème Liberté de Paul Eluard, Jean Lurçat s’est toujours évertué à intégrer dans son œuvre le regard d’un homme sur l’histoire de son temps. En témoigne son cycle le Chant du monde qui illustre de manière symbolique les peurs de ses contemporains à l’ère atomique.
Sa renommée après la Seconde Guerre mondiale est grandissante, contribuant à faire de lui le grand rénovateur du textile en France. En 1966, après une carrière marquée par beaucoup de voyages à l’international et, véritable consécration, par son élection à l’Académie royale de Belgique, Jean Lurçat disparaît.