Alors qu’il signait de son vrai nom des bandes dessinées conventionnelles, à destination de la grande consommation, l’illustrateur éditait sous son pseudonyme Moebius d’autres ouvrages plus personnels et indépendants de toute tradition. 

Né en 1938 à Nogent-sur-Marne, Jean Giraud grandit en région parisienne. En 1954, il s’inscrit à l’École des Arts Appliqués de Paris. Dès 1956, il réussit à placer dans des illustrés ses bandes dessinées. Au cours d’un séjour de huit mois au Mexique pour rendre visite à sa mère, Jean Giraud tombe amoureux des paysages désertiques, qui deviendront une grande source d’inspiration dans son œuvre. A son retour, il crée avec Jijé, célèbre illustrateur dont il devient l’assistant et l’ami, une bande dessinée intitulée Jerry Spring, la Route de Coronado, laquelle inspirera la série de Blueberry. De fait, grâce à la recommandation de Jijé et au succès de l’histoire publiée dans le journal Spirou, Jean Giraud fait ensuite la connaissance du scénariste Jean-Michel Charlier, alors à la recherche d’un illustrateur pour élaborer un western. C’est ainsi que naît le personnage de Blueberry, devenu aujourd’hui un des plus célèbres westerns français, sinon le plus célèbre. La bande dessinée présente des illustrations très poussées d’un point de vue graphique, à tel point que Numa Sadoul, spécialiste de la BD, dira dans un entretien à propos des dessins de Blueberry et de leur auteur : « Pour faire du Gir, il faut être en état de grâce, disponible complètement et en parfaite situation d’innocence. Ca demande une énergie folle… ». 

A la mort de Jean-Michel Charlier en 1989, Giraud reprend entièrement la création de la bande dessinée, poussant encore plus loin le caractère marginal du personnage principal. Le succès de la saga est sans appel : encore aujourd’hui, des éditions continuent à se vendre en grand nombre, en plus de toutes les séries annexes créées autour de l’originale… Au moment où commence l’aventure Blueberry, Giraud publie ses premiers albums sous le pseudonyme Moebius, de courtes histoires insérées dans le mensuel Hara-Kiri. Dans ces publications parallèles, l’illustrateur fait le choix de la liberté, et n’hésite pas à faire basculer ses histoires dans un registre mystique et ésotérique. 

En 1975, il contribue à la fondation de la revue Métal Hurlant, éditée par les Humanoïdes Associés, ce qui lui permet de continuer à publier sous le nom de Moebius. Par exemple, entre 1974 et 1979, il publie Major Fatal, Le Garage hermétique, dans lequel il met en place un univers de science-fiction bousculant et interrogeant les frontières du genre. Fervent lecteur des essais sur l’ésotérisme et le chamanisme de l’écrivain et anthropologue Carlos Castaneda, Moebius creuse encore plus loin son approche de la discipline dans John Difool-L’Incal, une série narrant les péripéties d’un détective vivant dans le futur. 

Au cours de sa carrière, Giraud a également créé de nombreuses affiches publicitaires. En 1975, il contribue à la fondation de la revue Métal Hurlant, éditée par les Humanoïdes Associés, ce qui lui permet de continuer à publier sous le nom de Moebius. L’œuvre du créateur intéresse également le cinéma : dès le début des années 1970, il est appelé par plusieurs réalisateurs pour prendre part à la production de longs-métrages de science fiction. Il contribue notamment à l’élaboration du story-board des Maîtres du temps de René Laloux, ainsi qu’à la conception des créatures sous-marines du film Abyss de James Cameron. 

Ses projets cinématographiques le conduisent à partir aux États-Unis pour y vivre quelques années au cours de la décennie 1980, avant de retourner vivre en France pour continuer à publier ses bandes dessinées. En 1997, il fonde sa maison d’édition en compagnie de sa femme, Isabelle, Moebius Production-Stardom, pour publier bandes dessinées, sérigraphies et digigraphies. En 2010, la Fondation Cartier inaugure une transformation dédiée à l’œuvre de l’illustrateur et scénariste, “MOEBIUS-TRANSE-FORME”. Jean Giraud meurt en 2012, à l’âge de 73 ans.