Niki de Saint Phalle est l’une des plasticiennes les plus marquantes de la seconde moitié du XXe siècle.
Née d’une mère américaine et d’un père français, la jeune femme grandit aux à New York et fréquente la Brearley school, une école de filles dont elle est exclue pour avoir peint en rouge les feuilles de figuier recouvrant les organes génitaux des statues du campus ! Finalement diplômée de l’Oldfields School dans le Maryland en 1947, Niki se lance dans une première carrière de mannequin, faisant à plusieurs reprises les couvertures des magazines Life et Vogue. L’année suivante, âgée de 18 ans à peine, Niki de Saint Phalle s’enfuie avec son ami d’enfance Henry Matthews, fuyant le foyer familial où, enfant, la jeune fille a été abusée par son père. Tandis que Matthews poursuit ses études à Harvard, Niki de Saint Phalle commence à peindre.
En 1951, le couple donne naissance à Laura et, l’année suivante, s’installe à Paris. Les voyages à travers l’Europe permettent à la jeune peintre de découvrir les maîtres anciens. Malheureusement, quelques mois après leur arrivée en France, Niki de Saint Phalle tombe en dépression et est hospitalisée, abandonnant de fait les études de théâtre qu’elle avait commencé. Les psychiatres l’encouragent à aborder la peinture comme une thérapie. Le couple déménage alors à Majorque en Espagne et donne naissance à Philip en 1955. En à peine trois ans d’apprentissage autodidacte, Niki de Saint Phalle parvient à développer un style créatif, imaginatif et singulier. La découverte du travail de l’architecte Antonio Gaudi à Barcelone la pousse à enrichir son univers onirique et inspirera, quelques années plus tard, le jardin de sculptures qu’elle réalisera.
A la fin des années 1950, Niki et son mari retournent à Paris avant de se séparer définitivement. L’artiste emménage alors dans un nouvel appartement, créé son propre atelier et fait une rencontre aussi déterminante pour elle que pour l’art du XXe siècle : Jean Tinguely. Ensemble, ils réalisent leurs œuvres les plus emblématiques et cofondent le mouvement du Nouveau Réalisme aux côtés d’Yves Klein ou d’Arman. Seule femme du groupe, Saint Phalle expose son travail pour la première fois en 1961 et se rapproche des artistes avant-gardistes présents à Paris. C’est au contact de ses amis Robert Rauschenberg et Jasper Johns que Niki de Saint Phalle a l’idée d’utiliser des objets trouvés pour enrichir son travail, dans la lignée d’un Marcel Duchamp dont elle est également devenue proche et qui la présente à Salvador Dali.
En 1963, Jean Tinguely et Niki de Saint Phalle s’installent près de Paris dans une vaste maison qui lui permet de lancer des projets architecturaux communs et à elle d’initier ses premiers Tirs. En 1971, les deux artistes se marient. C’est au milieu des années 1960 que Niki se lance dans sa série la plus célèbre et la plus riche, celle des Nanas. La grossesse d’une de ses amies lui inspire une réflexion profonde sur les archétypes de la féminité dans la société patriarcale d’alors. Le titre lui-même – Nana – semble faire écho au dénigrement et à la désinvolture avec laquelle sont traitées ses contemporaines, tout en faisant référence au roman éponyme d’Émile Zola qui dépeint l’univers des demi-mondaines.
En 1974, Saint Phalle s’installe en Suisse pour soulager de graves problèmes pulmonaires apparus quelques mois plus tôt. Elle y retrouve une amie d’enfance devenue l’épouse de Gianni Agnelli, propriétaire de la marque automobile Fiat, collectionneur d’art et mécène. Le couple de milliardaires offre à Niki de Saint Phalle un incroyable terrain de plusieurs hectares en Toscane où l’artiste peut réaliser son rêve : créer un jardin de sculptures consacré à la symbolique du Tarot. Cette œuvre monumentale, initiée en 1978, voit finalement le jour en 1982. Niki y installe alors son atelier et y vivra pendant une décennie. Son travail mêle peinture et sculpture à travers une vision de la vie et de l’art conceptuelle qui ira jusqu’à inspirer des artistes comme Joseph Beuys, Lawrence Weiner, Ed Ruscha ou Larry Bell.
A la mort de Jean Tinguely en Suisse en 1991, Niki de Saint Phalle se lance dans une impressionnante série de sculptures cinétiques à sa mémoire. Trois ans plus tard, elle quitte la Toscane pour la Californie où elle décède en 2002. Féministe de la première heure, Niki de Saint Phalle reste une figure tutélaire pour les générations qui l’ont suivie.