Philobitude
Figure majeure de l’art moderne du début du XXe siècle et de l’entre-deux-guerres
Très célèbre de son vivant, son œuvre n’en demeure pas moins mystérieuse : tout en illustrant les évolutions de l’avant-garde de la première moitié du XXe siècl, telles que le fauvisme, l’artiste reprend également certains codes classiques de l’histoire picturale, donnant un style à la fois familier et résolument novateur.
André Derain se forme à l’académie Carrière entre 1898 et 1899 où il se lie d’amitié avec Henri Matisse. En 1900, il rencontre Maurice de Vlaminck, qui devient également son ami proche, bien que leur relation soit connue pour être particulièrement mouvementée. Dans un premier temps, André Derain peint avec énergie, sans se satisfaire pour autant de son style… Ce n’est qu’à partir de 1901, après avoir découvert les toiles de Van Gogh, que l’artiste connaît une sorte d’épiphanie : à partir de cette date, ses compositions accueillent avec encore plus de force les couleurs et les lumières. C’est lors du Salon des peintres Indépendants, en 1905, où Derain expose aux côtés de ses pairs, que naît le fauvisme. Initié par un groupe d’artistes qui souhaitent aller à l’encontre des règles académiques, le fauvisme, marqué par les couleurs de Gauguin et porté par Henri Matisse, peut se définir comme un mouvement pictural révolutionnaire souhaitant défaire la peinture et la sculpture des conventions des Beaux-Arts de l’époque. André Derain, lié aux principaux représentants du Fauvisme, épouse complètement l’idéal du groupe. A cette période, sa peinture se concentre sur les compositions de paysage, comme ses célèbres vues de Collioure, mais également sur les portraits.
Le Fauvisme donne un cadre au tempérament emporté de Derain. Dans ses toiles, les couleurs s’étalent alors avec beaucoup d’énergie, parfois même avec beaucoup de violence. L’artiste n’était pas connu pour son calme ! Mais bientôt, Derain s’éloigne du mouvement et ne cherche plus à autant intensifier sa palette, peut-être parce que le paroxysme avait déjà été atteint par ses précédentes toiles. Le peintre subit de nouvelles influences, comme celles de Picasso, qui le poussent à faire évoluer son travail. Ainsi sa palette devient-elle moins éclatante et son travail pictural de plus en plus dédié à la composition et à la construction des formes. Pour autant, André Derain ne va pas jusqu’au cubisme, à l’inverse de Picasso et de Braque à la même époque. Alors qu’avant la Première Guerre mondiale, il s’interroge déjà sur la tradition picturale et sur les formes issues du passé, l’irruption en 1914 de l’affrontement des nationalismes, va opérer une rupture dans son art. Les débuts d’André Derain sont résolument modernes et avant-gardistes. Pourtant la deuxième partie de sa carrière, après guerre, est clairement marquée par un retour vers le passé. L’artiste n’est pas un cas isolé, puisque d’autres de ses contemporains tels que Matisse lui-même, vont également effectuer dans leur travaux un retour vers des formes plus anciennes.
Cette période est une sorte de retour à l’ordre : Derain réalise des natures mortes, des portraits et des paysages faisant écho à l’histoire de l’art à travers des atmosphères étrangement calmes, dépourvues de toute spontanéité et imbibées de techniques traditionnelles. Mais le peintre continue à surprendre et donne naissance à des œuvres où sa passion continue à transparaître, à l’instar des illustrations qu’il réalise pour Pantagruel. L’œuvre de Derain se situe ainsi à la croisée des influences, et mêle également à une tradition picturale française les arts primitifs et l’art du moyen-âge occidental. Cette habileté à manier les formes de l’histoire de l’art explique sans doute l’énorme succès du peintre de son vivant, à l’échelle nationale comme internationale. André Derain meurt en 1954, laissant derrière lui un travail devenu aujourd’hui historique.