Félix Vallotton est un peintre franco-suisse qui s’est illustré non seulement dans le domaine de la gravure, mais aussi et surtout dans celui de la peinture, proposant des solutions plastiques originales pour représenter les paysages et les scènes de son temps.
C’est à 16 ans qu’il arrive à Paris, alors considérée comme centre de la vie culturelle en Europe et carrefour des rencontres artistiques. Vallotton commence d’emblée à se faire remarquer par de nombreux portraits avant de se faire connaître grâce à la gravure sur bois. Cette technique offre en effet l’avantage de pouvoir reproduire une œuvre en plusieurs exemplaires et, partant, d’en accélérer la diffusion à grande échelle, à l’inverse d’une toile peinte qui reste une pièce unique.
Son succès dans la gravure tient au renouvellement qu’il impose au médium. Tout en infusant dans ses traits les leçons de la modernité, Vallotton ne cherche pas à renier l’héritage des maîtres. Bien au contraire, il rend hommage aux grands noms de la gravure tels que Dürer ou Holbein. En ce début de carrière, ses peintures et gravures fixent déjà les grandes lignes de ce que sera son œuvre : une recherche de synthèse dans les contours des motifs et une forte stylisation des traits. Mais surtout, Félix Vallotton fait preuve d’un esprit ironique et pose un regard acerbe sur les scènes du quotidien de son époque. Sa série Intimités des années 1890, dans laquelle il dépeint des amours en proie aux sentiments d’angoisse et de jalousie, se présente comme la parfaite illustration de son goût pour les troubles latents à l’œuvre dans les relations humaines. Cet attrait pour le drame se retrouve aussi dans une série de gravures destinées à être publiées dans des journaux et qui décrivent les manifestations anarchiques parisiennes d’alors, signe du penchant politique du peintre pour le sujet.
Sa production lui vaut d’être remarqué par le groupe avant-gardiste des Nabis, qu’il rejoint bientôt en tant qu’illustrateur au sein de la Revue Blanche. De ce passage, il gardera un certain goût pour les couleurs éclatantes, mais restera toujours en retrait des idées de ses compagnons, jusqu’à être surnommé le « nabi étranger ».
En 1899, son mariage le fait entrer dans un milieu bourgeois. Dès lors, Félix Vallotton se consacre entièrement à la peinture. Se détachant peu à peu des recherches esthétiques de ses contemporains, il se trace un chemin solitaire, allant toujours plus profondément vers l’expression d’un style unique, orné d’un coloris sourd et éclatant, au trait à la fois précis et abstrait. Les paysages qu’il peint à cette époque attestent d’une recherche de simplicité et de proximité avec les formes de la nature.
Quand la Première Guerre mondiale éclate, Vallotton est trop âgé pour être volontaire. Il se joint alors aux missions artistiques de l’armée, souhaitant à tout prix s’engager pour la France, alors qu’il n’est même pas encore naturalisé !
Le peintre se heurte à l’indicible de la guerre : à ses yeux, le spectacle de la violence – bien qu’extrêmement cruel – est moindre face au drame intérieur qui s’y joue. Figé par l’irréalité des combats et par l’impossibilité de la représentation de cette frénésie, il tente alors, comme il l’écrit plus tard, de lui trouver une « expression plastique ». Du reste, bien de peintres ayant vécu la Grande Guerre sont vite stoppés dans leur élan par les limites de la peinture, bien moins capable à leurs yeux que la photographie qui, quant à elle, parvient à réellement capter l’instantané des batailles. Mais cela ne suffit pas à arrêter Vallotton ! Sa recherche esthétique donne ainsi naissance à une toile unique dans son œuvre, dans laquelle il emprunte aux théories cubistes pour représenter le champ de bataille de Verdun (Verdun, 1917).
En 1925, Félix Vallotton meurt des suites d’un cancer, laissant derrière lui une œuvre prolifique, aussi bien esthétique qu’écrite, discrète mais reconnue, évocatrice d’un regard mélancolique posé sur un monde qui, toujours, oscille entre calme et tragédie. Tout en s’étant forgé une renommée mondiale, Félix Vallotton a su garder toute sa vie cette réserve et cette indépendance si singulières, à travers lesquelles transparaissent une sensibilité multiforme.