František Kupka est l’un des précurseurs de l’art abstrait aux côtés de Piet Mondrian, Vassily Kandinsky ou encore Robert Delaunay. Son isolement volontaire explique la relative méconnaissance de son travail en France jusqu’à il y a encore quelques années.
Sa réclusion volontaire se justifie par sa volonté de protéger son art des personnes mal intentionnées (répliques, vols de sa propriété intellectuelle ou artistique), ce qui a malheureusement, par la même occasion, contribué à occulter son propre parcours personnel. Nous savons cependant que František est l’aîné d’une fratrie de cinq enfants et que, peu après sa naissance, sa famille emménage dans la commune de Dobruška.
Sa mère meurt alors qu’il n’a que onze ans. Son père, notaire, assure leur éducation et se remarie moins d’un an après la mort de son épouse. C’est dans cette même partie du royaume de Bohême que le jeune homme se forme au métier de sellier, à treize ans, auprès de Josef Šiška tout en suivant des cours de dessins dans un atelier public.
Ses talents précoces sont rapidement détectés, ce qui lui permet d’obtenir une recommandation pour intégrer l’École des Beaux-Arts de Vienne. Il y suit entre 1889 et 1891 les cours de peinture historique et religieuse tout en gagnant sa vie grâce aux cours de dessin qu’il donne. En parallèle, il offre ses services… de médium !
En 1892, Kupka décide de se spécialiser en peinture historique sous la direction d’August Eisenmenger à l’École des Beaux-Arts de Prague. C’est à cette époque qu’il se démarque des autres élèves-artistes en s’attelant notamment à des peintures allégoriques, comme avec son célèbre Dernier rêve de Heine mourant (1893, réalisé à quatre mains, grâce à l’aide de son ami Miloš Maixner), aujourd’hui disparu. Pendant toutes ces années de formation, le peintre montre également un vif intérêt pour les sciences occultes, la théosophie ou encore la philosophie.
Après des voyages à travers la Scandinavie et l’Angleterre, l’année 1895 est celle de son installation à Paris. Il continue à peindre mais ne parvient toujours pas à vivre de son travail. Sur les conseils de son ami et compatriote Alfons Mucha, František devient caricaturiste pour des journaux satiriques tels que L’Assiette au beurre, Cocorico, Le Canard Sauvage… Son déménagement à Montmartre a lieu pendant l’exposition universelle de 1900 à laquelle il participe en qualité d’Autrichien. Son travail est enfin salué et l’artiste reçoit même une médaille d’or.
En 1906, Kupka, convaincu par Jacques Villon, s’installe à Puteaux avec sa femme Eugénie et y reste jusqu’à la fin de sa vie. Le lieu est manifestement source d’inspiration puisque c’est à partir de ce moment qu’il développe réellement son art et s’essaie à de nombreux courants. Après avoir constaté l’échec du réalisme, Kupka trouve enfin son Stradivarius avec l’abstraction. Ses premières œuvres abstraites, qui intègrent encore des éléments concrets, datées des années 1911-1913, à l’instar d’Amorpha, fugue à deux couleurs (1911-1912) ou de Solo d’un trait brun (1912-1913).
Lorsque la première Guerre Mondiale éclate, le peintre s’engage côté français dans la Légion Étrangère. Mais une blessure grave l’oblige à quitter le front et à rentrer à Paris en 1915. Frantisek ne s’avoue pas vaincu pour autant ! Dès lors, il s’occupe de l’organisation des légionnaires tchécoslovaques et se charge également de dessiner les cartes postales à destination des troupes. En parallèle, il esquisse uniformes ou étendards, un effort remarqué et apprécié par l’État français qui lui décerne la Légion d’Honneur en 1918 et le fait capitaine.
En 1922, Kupka fait l’objet de sa toute première exposition personnelle. Dans le même temps, il est également nommé professeur à l’Académie des Beaux-Arts de Prague. Kupka consacre les trente-cinq années qui suivent à promouvoir son œuvre au travers de diverses expositions. L’artiste-pionnier, persuadé que la peinture devait être aussi abstraite que la musique s’éteint le 24 juin 1957 à Puteaux.
Hélène Kaufmant