Huguette Caland est la fille de Béchara el-Khoury, premier président de la jeune république libanaise dans les années 1940. A Beyrouth, elle étudie les Beaux-Arts à l’Université américaine après avoir appris les rudiments de la peinture auprès du peintre italien Fernando Manetti. Les peintures de jeunesse de Caland, réalisées dans son pays natal, sont pensés comme des paysages corporels sensuels. Rapidement, la jeune femme rompt avec les conventions imposées par son milieu social et familial en optant pour un style de vie entièrement indépendant. Pourtant, l’artiste se marie avec le Français Paul Caland, neveu d’un rival politique de son père, et donne naissance à trois enfants.
En 1970, délaissant son mari et ses enfants adolescents restés à Beyrouth, Huguette Caland rejoint Paris, justifiant ce choix difficile à assumer socialement pour une femme à l’époque au Moyen-Orient en expliquant : « au Liban, j’étais la fille de, l’épouse de, la mère de, la sœur de. C’était une telle liberté de me réveiller tout seule à Paris. J’avais besoin de prendre mon envol ». Dans la capitale française, l’artiste découvre la vie de bohème et se lie d’amitié avec le couturier Pierre Cardin pour qui elle créé une collection de caftans et d’abayas colorées. En cela, Caland est sans doute la première artiste abstraite du monde arabe à aborder l’art à travers une approche pluridisciplinaire. Art, mode design… : Caland aborde dans son travail toutes les possibilités offertes par les questions de beauté et de féminité. Pourtant, son travail explicitement érotique met du temps avant d’être reconnu et accepté, même en France.
Au début des années 1980, elle partage sa vie avec le sculpteur roumain George Apostu au côté de qui elle créé peintures et de sculptures dans un atelier commun. A la mort de celui-ci en 1986, et après un rapide passage par New York, Caland s’envole pour la Californie où elle peint des tableaux où se mêlent les concepts de superposition et d’abstraction. En 1997, elle investit un atelier conçu par l’architecte Neil Kaufman, près de Venice Beach à Los Angeles, sur un terrain acheté au peintre américain Sam Francis. Ce bâtiment spectaculaire, aux allures de château ou de forteresse, est vite devenu le centre d’une effervescence culturelle californienne d’une rare intensité pour des artistes et intellectuels tels que Billy Al Bengston, Ed Moses, Ken Price, Nancy Rubins… Foncièrement libre et volontiers provocatrice, Caland déclarait au Los Angeles Time en 2003 : « j‘aime chaque minute de ma vie (…). Je la presse comme une orange et je mange la peau, parce que je ne veux rien manquer… ».