Philobitude
Architecte pionnier du XXe siècle
L’architecte et designer Jean Prouvé, né à Nancy en 1901, est connu pour avoir exploré toutes les ressources techniques offertes par le métal et le fer forgé.
Pour Jean Prouvé, « il n’y a pas de différence entre construire un meuble et une maison ». Théoricien de la pensée constructive, Prouvé est l’un des membres fondateurs de l’Union des Artistes Modernes aux côtés de Le Corbusier, Pierre Jeanneret et Charlotte Perriand. Fils du peintre Victor Prouvé, second président de l’École de Nancy proche d’Émile Gallé et Louis Majorelle, Jean est fortement influencé par la philosophie du mouvement lorrain visant à renforcer les liens existants entre art et industrie.
Artisan forgeron de formation et disciple d’Émile Robert, Jean Prouvé peut se targuer d’une connaissance profonde du métal et de ses diverses applications architecturales. Cette approche révolutionnaire, qu’il applique également au design en créant bureaux, chaises ou étagères, est à la base de son travail et l’a propulsé au premier rang des plus grands créateurs du XXe siècle. Au début de sa carrière, Jean Prouvé réalise portails d’entrée, escaliers, garde-corps, marquises… On le sait peu mais c’est à lui qu’on doit les grilles extérieures du Palais de la Porte Dorée à Paris, ancien musée des Colonies devenu Musée de l’Immigration, l’un des seuls bâtiments Art Déco de Paris. En 1924, Prouvé fonde son premier atelier de ferronnerie d’art et, la même année, dessine ses premiers meubles en tôle d’acier. Les effets de creux qu’il obtient grâce ce procédé confèrent non seulement à ses créations une esthétique reconnaissable entre mille mais encore ajoutent à la résistance et à la solidité de leur structure. Jean Prouvé réutilisera régulièrement ce métal dans ses meubles tout au long de sa longue carrière. A l’occasion, Prouvé s’est également intéressé à l’aluminium, en le pliant ou le moulant, sans jamais délaisser l’aspect esthétique de ses œuvres, primordial à ses yeux.
Fortement concerné par les enjeux socio-économiques de son temps, Prouvé est un homme utopiste et engagé. En 1931, le créateur ouvre les Ateliers Jean Prouvé. Dès 1932, il s’ouvre à des projets d’intérêt public tels que l’Université de Nancy ou, plus tard, la Cité Universitaire. Dans l’immédiat après-guerre, alors que l’urbanisme et la construction sont à terre, Jean Prouvé s’investit dans de multiples projets de reconstruction à travers la France. A partir de 1947 en effet, l’architecte conceptualise à des bâtiments modulables et transportables, suscitant l’intérêt de l’armée, de l’industrie, de l’État… Rapidement, le gouvernement français lui commande des logements préfabriqués en masse destinés à loger à faible coût les sans-abris et les réfugiés. Le succès est immédiat et de nombreuses institutions à travers le monde – et jusqu’en Afrique saharienne ! – lui passent commande.
En parallèle, ses meubles rencontrent un succès qui ne s’est jamais démenti. La galerie parisienne Steph Simon édite son travail à partir de 1956, l’éditeur suisse Vitra ayant pris le relai depuis 2002. Jean Prouvé ne se considérait pas lui-même comme un designer mais comme un constructeur, à mi-chemin entre l’ingénieur et le créateur de meubles. Plus qu’une simple esthétique, son design porte en lui une vision sociale. Pour Prouvé, la structure d’une chaise ou d’une bibliothèque doit être aussi stable et efficace que les fondations d’une maison. La qualité d’exécution de ses meubles en font des pièces aujourd’hui reconnues pour leur robustesse et leur fiabilité. Jean Prouvé résumait son travail ainsi : « tout ce que j’ai fait a toujours découlé d’une pensée qui était instantanément constructive. Je n’ai jamais eu une vision ou une forme à l’esprit, je n’ai pas de style. Je n’ai jamais dessiné de formes. J’ai fait des constructions qui avaient une forme ».
Redécouvert par le grand public dans les années 2000, Jean Prouvé est depuis devenu l’une des grandes vedettes internationales des ventes aux enchères et des galeries de design.