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Le Trompe-l’œil

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30 mai 2022
Temps de lecture : 3 mn

Quoi de plus excitant pour les artistes que de parvenir à surprendre le regard d’amateurs exercés ? Telle est l’ambition du trompe-l’œil, un genre à part entière à l’intérêt souvent minoré.

La plus ancienne référence connue remonte à l’Antiquité et nous est rapportée par Pline au Ve siècle avant J.-C. En Grèce, les plus grands peintres d’alors, Zeuxis et Parrhasios, s’affrontent. Zeuxis ouvre le bal en peignant une grappe de raisins plus vraie que nature, au point que des oiseaux se posent sur le panneau pour tenter d’en manger les grains ! Le public applaudit la virtuosité du peintre. Puis vient le tour de son rival Parrhasios qui invite son confrère à tirer un rideau devant lui pour dévoiler sa peinture. Essayant d’empoigner le tissu, Zeuxis découvre avec stupéfaction que l’œuvre peinte par Parrhasios n’est autre que… le rideau lui-même !

Johannes Leemans Tableau vendu 8 900€

Des siècles plus tard, Michel-Ange ou Raphaël n’ont guère fait autre chose avec leurs fresques, portant ainsi à la perfection l’art de créer des raccourcis visuels. Mais il faut attendre le XVIIe siècle pour assister au développement du trompe-l’œil comme genre à part entière. Les peintres s’y attellent à travers la nature morte et certains tirent leur épingle du jeu, comme Cornelis Gysbrechts, l’un des plus talentueux, inventeur du tableau retourné. Ce sujet plein d’humour donne l’impression d’avoir en face de soi un tableau présenté de dos, de quoi étonner les collectionneurs de passage dans son atelier ! Plutôt rare aux enchères, Gysbrechts se vend bien, autour de 70 000 € par exemple en 2010 pour un Trompe-l’œil d’un placard ouvert. Ses suiveurs ne sont pas en reste, comme avec Johannes Leemans, spécialiste du trompe-l’œil d’armes et de trophées de chasse.

Cornelis Gysbrechts Tableau vendu 23 000€

Mais l’âge d’or de la spécialité est contesté au XVIIIe siècle, même si le genre a vite été relégué au bas de l’échelle dans la hiérarchie des genres, sous la nature morte. Pourtant, d’excellents artistes s’y sont essayés avant que le trompe-l’œil ne soit progressivement abandonné par les peintres européens dans la seconde moitié du XIXe siècle, supplanté par l’impressionnisme.

Janine Delaporte Tableau vendu 240€

On doit son retour triomphal au XXe siècle à Pablo Picasso, avec le tout premier collage de l’histoire et sa Chaise cannée de 1912. En plein cubisme synthétique, le peintre espagnol intègre un élément standardisé dans une œuvre d’art, ouvrant ainsi la voie au dadaïsme et au surréalisme. Pas étonnant que les surréalistes s’y intéressent de nouveau, avec Magritte et Tanguy en tête : Apollinaire créera le Trompe-oreille, Cocteau le trompe-l’esprit et Pierre Roy le trompe-cœur.

D.A.C.